L’actualité politique en République démocratique du Congo, à ce jour, n’a pas été non seulement marquée par la campagne électorale mais aussi et surtout par l’affaire de passeport zambien détenu par le candidat à l’élection présidentielle du 20 décembre prochain, l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi.
Le premier à tirer la sonnette d’alarme est l’actuel vice-Premier ministre, ministre de la Défense Nationale et Anciens Combattants, Jean-Pierre Bemba. Lors d’un meeting populaire de campagne, qui soutient la candidature de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le leader du Mouvement de Libération du Congo (MLC) a clairement exigé des explications à Moïse Katumbi sur sa nationalité. « J’ai un message pour Moïse Katumbi. Je veux qu’il nous dise et précise à la population congolaise : est-il Congolais ou non ? », s’était exprimé Jean-Pierre Bemba devant une foule très animée. Une question qui trouve son fondement sur les propos d’un opposant zambien qui, à son tour, réclamait auprès des autorités de son pays l’arrestation de tous ceux qui ont octroyé le passeport zambien au candidat n°3 à l’élection présidentielle en RDC.
Prenant le relais dans la même affaire, le très célèbre journaliste des réseaux sociaux, Litsani Choukran, publiait des données tirées d’un site officiel pour les voyageurs visitant les Etats-Unis d’Amérique, I-94, qui renseigne que Moïse Katumbi avait utilisé un (son) passeport zambien à l’occasion de ses différents voyages sur le territoire américain. Selon le même journaliste, Moïse Katumbi aurait effectué (trente-neuf) 39 va-et-vient aux Etats-Unis avec un passeport zambien et l’identifiant comme ayant la citoyenneté zambienne.
D’autres sources consultées vont même très loin en attribuant trois (3) différentes nationalités à Moïse Katumbi, comme l’atteste le formulaire I-94, et précisent les chronologies suivantes de ses différentes entrées au USA entre 2018 et 2019:
- Un séjour sur le sol américain du 05 au 09 septembre 2018, avec les documents le signalant comment congolais de la RDC
- Un autre séjour sur le sol américain du 24 au 29 septembre 2018, comme citoyen de la République du Congo
- L’ancien gouverneur du Katanga se rend également aux Etats-Unis du 02 au 05 avril 2019, avec des documents qui le présentent comme citoyen Zambien. Ce dernier voyage marque la fin de l’utilisation de son passeport zambien.
Il est donc à préciser que le formulaire I-94 reconnaît et récupère la nationalité de tout demandeur de visa qui remplit en premier lieu le formulaire DS-160. La nationalité déclarée dans le formulaire DS-160 sera d’office figurée au formulaire I-94. Ces voyages indiquent que Moise Katumbi a voyagé comme citoyen congolais et enfin comme zambien. A cette confusion, comme il fallait s’y attendre, les réactions n’ont pas tardé. La plus emblématique est celle de Christian Mwando, ancien ministre du Plan et bras droit du candidat n°3 à l’élection présidentielle du 20 décembre.
Ce dernier, tout en prenant une certaine distance, affirme ceci sur les antennes de la très célèbre radio TopCongo FM: « Même si Moïse Katumbi a détenu un passeport zambien, cela ne peut qu’être un passeport de courtoisie pour des services qu’il aurait rendus par ce qu’il a été une grande personnalité commerçante en Zambie qui a créé des emplois. Peut-être qu’il l’a eu à titre honorifique « .
Après recoupement et confrontations des faits évoqués ci-dessous et réactions y relatives, cette question de détention du passeport zambien ne peut qu’éveiller tout esprit averti. En effet, au regard de tous les actes posés, il se pose un sérieux problème d’honnêteté dans le chef de l’ancien gouverneur du Katanga. Le fait d’effectuer plusieurs voyages aux Etats-Unis avec un passeport zambien, et ne pas le reconnaître publiquement, est une preuve éloquente sur son manque d’honnêteté. On a à faire avec quelqu’un qui, de toute évidence, refuse d’assumer son passé. Il y a peu, au cours d’une émission télévisée, il a présenté tous les passeports qu’il a utilisés et qu’il utilise encore, sans faire allusion à son passeport zambien, même sur insistance du journaliste. Il se contentait à l’époque d’affirmer que « c’est peut-être le passeport d’un village, car tous ceux qui s’opposent à moi sont d’un seul village ». Une posture qui s’éloigne et qui finira par être contredite par les déclarations de son virulent représentant au Haut-Katanga, que nous venons de mentionner ci-haut.
Détenir un passeport, à titre honorifique, d’un pays d’accueil est une chose, mais demander les visas avec ce même passeport en se prévalant citoyen de ce pays est une sérieuse question qui doit intéresser plus d’une personne. C’est donc un devoir national de se soucier de la souveraineté de la RDC tout en questionnant la vraie identité de ce candidat président de la République. Cela pourrait éviter d’éventuels conflits d’intérêts entre la RDC et la Zambie.
Oui, le peuple doit voir clair dans ce dossier. Jean-Pierre Bemba, dont la question reste jusqu’à ce jour sans réponse, n’a pas eu tort. Il est donc plus qu’impérieux que toutes les institutions compétentes se saisissent de cette question pour permettre au souverain primaire de se faire une idée nette sur chaque prétendant, en particulier sur l’homme qui a promis, ce week-end à Kinshasa, à Sainte Thérèse de faire de la capitale la plus belle ville du pays !
Il est donc nécessaire de protéger l’intégrité territoriale de la RDC et d’imposer que les choses, quant à ce, soient dites telles qu’elles sont afin de regagner la confiance. La population attend la réponse de Moise Katumbi. Pas après le 20 décembre 2023.
Carlos LOBOTA, Expert en Sciences de l’information et de la communication.
